dimanche 8 juin 2014

Yvon le Roy présente : les dessous de Louise - un autre extrait


Encore un petit extrait des dessous de Louise ?











Extrait n°2 :

                19h45. Au Café-tabac.

Quand Archangéli et Samyn sortirent enfin de l’immeuble, la lumière déclinait. Les jours raccourcissaient franchement. Le commandant lui proposa d’aller prendre un verre chez René, avant de rentrer. Adroitement, le commissaire déclina l’offre, prétextant l’heure déjà avancée pour la famille Samyn. Denis comprit le message. Le commissaire avait raison. S’il voulait que les choses s’arrangent avec Yolande, il devait rentrer...

En fait, le commissaire ne voulait pas se créer d’habitudes avec les membres du service, même s’il reconnaissait qu’un verre, pris de temps à autre, contribuerait à souder l’équipe. La vraie raison qu’il n’osait avouer, c’était l’envie de revoir sa rencontre de la veille. 

Durant la journée, il n’avait pu s’empêcher de penser à elle : ses pas le conduisirent presque automatiquement vers le bar-tabac où ils s’étaient revus.
Son cœur se mit à battre plus vite quand il en franchit le seuil : Sandrine était installée dans un angle en retrait. Absorbée dans la lecture d’une revue scientifique, elle ne souhaitait pas attirer le regard des clients. 

Pourtant elle le savait : une femme seule devient vite la cible des hommes. Pourquoi suis-je venue ?, se disait-elle Pour respecter la vague promesse faite hier en le quittant ? Elle devrait partir. Ne pas donner l’impression d’attendre quelqu’un. Mais le déroulement de l’après-midi lui avait laissé un goût amer qu’elle tentait de dissiper dans ce moment de détente, avec l’espoir inavoué de revoir son charmeur du train. 

En même temps, elle n’était pas vraiment certaine de vouloir le rencontrer, cet homme des Douanes qui l’avait si bien distraite la veille : de presque l’attendre, elle craignait de donner d’elle, l’image d’une femme facile... Soudain consciente qu’elle faisait une bêtise en s’affichant seule dans ce bar, comme une femme en quête d’une bonne fortune, elle régla sa consommation, plia sa revue et se leva pour partir.

Trop tard ! 
 
À cet instant, elle le vit dans l’encadrement de l’entrée. Sa grande stature musclée ne pouvait passer inaperçue. Les clients qui sortaient devaient lui faire de la place. Jean vit aussitôt qu’elle venait à sa rencontre. 

— J’allais partir !, esquissa-t-elle, pour traduire ce qu’il avait pris pour un élan vers lui. Ne pas lui donner l’impression de vouloir le retenir.
— Bonjour Sandrine... Vous avez bien le temps de rester un peu ? À moins que quelqu’un ne vous attende ?, demanda-il, en tirant une chaise pour l’inviter à s’asseoir. C’était une manière adroite d’en connaître un peu plus sur sa vie. Peut-être ne vivait-elle pas seule ?
— J’ai un peu de temps devant moi ! 
Oui, maintenant elle en avait, du temps, et elle en aurait beaucoup plus à la fin de son contrat.

Jean la sentit plus tendue que la veille. Il en chercha un instant, sans la découvrir, la raison dans les heures passées avec elle. Un peu surpris, il commanda les boissons. 

Dès qu’ils furent servis, Sandrine but d’un trait près de la moitié de son verre. Ce soir, elle voulait effacer le souvenir de la journée, se distraire après l’interrogatoire avec ce flic ! Ah, il l’avait bien endormie, avec ses petites questions… Elle s’en voulait un peu de s’être laissée aller à dire toutes ses choses, même si cela lui avait fait du bien, dans l’instant. Que devait-il penser d’elle, ce capitaine ? 

Archangéli se demanda ce que cachait ce geste d’oubli. Sa compagnie lui semblait moins agréable que la veille. Sans doute s’était-il passé quelque chose pour qu’elle soit aussi fébrile. Il se fit apaisant, attentif à ses dires. Ils parlèrent de la soirée passée ; Jean posa de nouvelles questions sur Lille et ses environs. Se doutant de probables soucis liés à son métier, il orienta la conversation sur le terrain professionnel. Alors la jeune femme stressée par sa situation se délivra en se confiant spontanément : son travail ne marchait pas comme elle l’aurait voulu, face à un patron tyrannique et versatile.
Avec stupéfaction, Jean l’identifia alors à la jeune femme décrite dans le rapport de son capitaine. Son nom lui revint en mémoire. Sandrine Lebel... La femme du train était donc l’assistante du professeur Maudot ! Un absent que le commissaire n’avait toujours pas entendu… 

Pourtant, elle ne parla nullement du meurtre près de son bâtiment. Maintenant, il se rappela ce que Makhlouf lui avait dit : elle s’était livrée à lui, parce qu’elle pensait perdre son job dès la fin de l’année. Il en sut alors beaucoup sur son compte... Bien plus que ce qu’elle oserait lui dire ! 

Archangéli contint sa gêne. Qu’elle soit au cœur de son enquête était une éventualité complètement imprévisible. Il réalisa subitement qu’elle pouvait devenir un témoin clé dans l’affaire, si l’un des laboratoires de son bâtiment était impliqué dans ce meurtre. Mais il était déjà trop tard

La faute était commise : il n’avait pas été franc avec elle, en lui cachant sa profession. Maintenant, bien qu’il se sente coincé, il ne voulait pas pour autant renoncer à la soirée. Chaque fois qu’il avait avoué son métier à une femme, l’effet épouvantail ressenti dans les jours suivants se traduisait le plus souvent par l’espacement de ses rencontres avant la rupture. Aujourd’hui, il jouait de malchance. Non seulement cette femme lui plaisait, mais il ne pourrait vivre une relation suivie à cause de l’enquête... 

Jean décida de ne pas révéler son identité. Non qu’il pensât à favoriser l’enquête, mais devant cette femme, il voulait oublier son triste métier, effacer le souvenir de ses échecs dus aux mêmes raisons... Ils sortirent du café pour se promener. Longeant une rue piétonne, ils parvinrent tranquillement devant un cinéma d’art et d’essai. Entre autres films, on rejouait « Sur la route de Madison », avec Meryl Streep et Clint Eastwood. 

Sandrine voulait voir ce film depuis longtemps et Jean, qui connaissait la série des « Inspecteur Harry », souhaitait voir Clint dans un autre registre que celui d’un flic ! Ça, il connaissait... 
 
Ils entrèrent dans le cinéma, surpris de se retrouver dans une salle presque vide. Pendant que Clint photographiait consciencieusement les ponts couverts de l’état de Géorgie, Jean glissa son bras dans le dos de Sandrine. En réponse, elle appuya sa tête au creux de son épaule, contente de sa présence apaisante.
Comme Meryl, également déçue par la vie sans relief qu’elle menait dans le scénario, Sandrine faisait instinctivement confiance à cet homme qu’elle connaissait pourtant à peine, se sentant bien avec lui, protégée par ses larges épaules et sa sereine assurance. Jean se fit plus tendre. Sans doute les images suggestives firent le reste pour celle qui avait tant besoin d’être entourée dans ce moment de sa vie. Elle répondit à ses caresses par un baiser sur la joue. Jean redécouvrit des émois d’adolescent qu’il croyait perdus. Avant la fin du film, ils s’embrassaient tendrement comme deux amants devant un bon spectacle. 

En sortant de la salle, Jean ne sut dire si les yeux brillants et le rose aux joues de sa compagne tenaient au romantisme de l’histoire ou à la prise de conscience de ce qu’ils venaient de commencer. Il fut vite renseigné quand elle l’embrassa de nouveau en lui prenant la taille, pour le remercier de ces tendres instants. Ils déambulèrent au gré de leurs pas jusque dans le vieux Lille, près de la place Louise De Bettignies. Une horloge sonna minuit : Jean réalisa qu’il se faisait tard.

— J’habite Rue Royale à côté de la Banque de France !, dit-elle, joyeusement. Avoue que c’est la classe, non ? 

Jean ne connaissait pas, mais il ne demandait qu’à connaître Lille, ville bien agréable à vivre. Sur le pas de sa porte, Sandrine le regarda s’en aller à regret : cet homme est un type bien. Peut-être le père qu’il manque à mon Alex... Elle chercherait à le revoir. Comment lui parler de son fils ? Quelle serait alors sa réaction ? 

Ce genre de révélation avait fait fuir la plupart des hommes. Jusqu’ici...


Alors ? Ça vous a plu ? Oui, je sais, cet extrait ne raconte rien sur le vrai contenu de l'histoire. Si vous croyez que je vais lâcher le morceau, alors là, vous vous mettez le doigt dans l'œil... Je ne veux pas être grossier. Mettez-vous à ma place !
Qui accepterait de livrer le contenu de l'histoire, sachant qu'une fois connue, elle perdra de son intérêt ?
Il ne vous reste plus qu'à me croire quand je déclare :
"LOUISE..., c'est un polar que j'ai adoré écrire, dans lequel je me suis senti bien, pas seulement par le fait que je connaissais les arcanes de l'université (dont je n'ai que peu ou pas fait mention), mais surtout pour l'intrigue, le suspense et le développement de tous les personnages. Je me suis attaché aussi à en soigner le style, en réécrivant le texte plusieurs fois pour le simplifier, l'améliorer, le rendre agréable lire, ce qu'a reconnu ma correctrice, Josiane. Un sacré boulot... m’a-t-elle dit. Ce polar vous fera vivre un bon moment, j'en suis certain. "


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