samedi 8 octobre 2011

Aparté: deuxième extrait à la suite...

Jacques Marmotet est détective privé, Hélène Lagache, juge d'instruction, Emile Fouquereuil, commissaire de police et Pierre-Louis Sanylski, directeur de prison. Ces quatre-là se rencontrent le vendredi soir au Club du Beffroi, le cercle de bridge du centre-ville de Béthune.


Quatre joueurs, quatre points cardinaux pour quatre histoires publiées dans la collection Riffle Nord et mises en avant sur notre blog par le thème qui plaira aux amateurs d'histoires criminelles: Les menaces d'une lettre anonyme mises à exécution quatorze ans plus tard, un coffre chargé d'or découvert pendant la Grande Guerre et aussitôt volatilisé, la profanation d'une tombe vieille de plusieurs siècles, six jeunes détectives mobilisés pour sortir un innocent de prison...

Ce nouveau livre de Richard Albisser est né d'ateliers d'écriture réalisés dans le cadre d' "écrire à Béthune 2011"
Ci-dessous un article présentant l'initiative suivi d'un second extrait de Quatre à la suite 









Extrait 2

affaire racontée par Jacques

MORT AU SUD
ENTAME : LE VALET DE CARREAU
    C’était au printemps 1980. Je débutais dans le métier et cela avec une clientèle pour tout dire clairsemée. Donc, je ne manquais pas de temps libre et j’aimais fureter à la salle des ventes près de la Gare d’eau. Mon père adorait ce lieu et m’y emmenait souvent quand j’étais enfant. On était peu argentés et on y faisait de bonnes affaires. J’avais souligné dans l’inventaire du jour un secrétaire avec une foison de petits tiroirs. Sa mise à prix laissait entendre qu’un demandeur, s’il existait, pourrait se le procurer à moindres frais, à dire vrai pour quelques francs. Pourquoi un tel meuble ? Je souhaitais ranger un certain nombre de documents personnels mais je n’en avais pas un besoin urgent. De fait, c’était loin d’être une pièce unique si bien que j’ai enlevé l’enchère aussi sûrement que le marteau du priseur frappait le pupitre avec « l’adjugé » de circonstance. Le jour même, j’emmenais mon trésor et je le remisais au sous-sol, déçu par ce caprice devenu encombrant quoiqu’il m’en coûtât peu. Les bras m’en étaient tombés ; la chose nécessitait une sérieuse rénovation. L’été 80 fut désastreux au point de vue de l’activité. Je n’avais eu en tout et pour tout qu’une seule affaire à me mettre sous la dent. Cette réminiscence le laissa quelques instants songeur. Un vague sourire trémulant frisa l’ourlet rose de ses lèvres. Sous la dent, répéta-t-il, et c’est peu dire car je dois vous avouer, puisqu’il n’est pas là, qu’elle concernait notre cher président. La déontologie m’interdit en principe d’en parler mais comme nous sommes entre nous... Je vais tout de même en toucher deux mots. Notre cher président, qui ne l’était pas à l’époque, avait prêté plus de 600 000 francs à son beau-fils afin qu’il s’installe comme radiesthésiste. Le gendre filait la gueuse, c’était de notoriété publique à Béthune et je n’aurais pas eu besoin de le pister bien loin pour cette mission-là. Il s’affichait avec ses conquêtes à toutes les terrasses de bistro. Je n’ai jamais compris pourquoi il lui avait avancé autant d’argent. Bref, ce qui devait arriver arriva. L’oiseau a disparu dans la nature et le capital également. C’est une affaire qui m’a conduit jusqu’au fin fond de la France. Le débiteur roucoulait le parfait amour avec une Italienne, en Ardèche, dans une fermette où ils élevaient des brebis. Cela pour l’anecdote…

    À part cette affaire, je me tournais donc un peu les pouces. Un matin, descendant au sous-sol, je tombe sur mon secrétaire vermoulu, je prends mon courage à deux mains et je décide de le restaurer. Je ponce, je gratte, je racle, je frotte, je décape, j’abrase puis je trouve le moyen de retourner le meuble en m’en saisissant par les pieds. Une manœuvre malhabile me fait mouvementer à l’intérieur d’un des tiroirs un loquet ingénieusement dissimulé. Une petite trappe s’ouvre, pas plus grande qu’un livre de poche, et il en tombe une enveloppe jaunie dont j’observe le timbre : un affranchissement à l’ancienne avec la date et le bureau de poste, le 13 mai 1966 à Verquin. Un rectangle au centre, comme un vieux cadre dont on a débarrassé le mur, incite à penser que s’y trouvait collée l’étiquette d’une adresse maintenant disparue. J’ouvre ensuite le contenu. D’une feuille de papier pliée en quatre, un peu moins jaune que l’enveloppe, se détache, par ses majuscules maladroitement découpées dans un journal, ce message dont je me souviendrai toujours :

JE TE FERAI PAYER TES SOIXANTE VICTIMES
MON SALAUD UN JOUR JAURAI TA PEAU

    – En voilà un bazar, grogna Emile. Mais après tout, ce n’était qu’une lettre de menaces et visiblement qui ne datait pas d’hier.
     – C’était suffisant pour me mettre la puce à l’oreille, chevrota Jacques. Je rappelle qu’à l’époque j’étais assez jeune et j’avais passé mon adolescence à lire Conan Doyle, Agatha Christie, Gaston Leroux et Maurice Leblanc. Ce n’était du reste pas sans incidence sur le choix de mon métier. Hélas, la réalité me rattraperait toujours avec son cortège de déceptions. Mais là, il me semblait que je tenais quelque chose sortant de l’ordinaire. Pourquoi d’abord cacher de la sorte la lettre d’un corbeau ? Ça me paraissait déjà surprenant. Je me disais également que l’adresse avait dû être tapée à la machine sur une vignette à part puis succinctement collée sur l’enveloppe. L’usure du temps avait fait le reste et détaché ce qui aurait pu m’indiquer le destinataire. J’ajoute que je voyais déjà mon nom écrit dans la presse et, bien que je sois insensible à ce genre de caresses, j’anticipais le moyen de me faire à bon compte un peu de publicité si je résolvais l’énigme suscitée par cette méchante lettre. J’ai donc appelé la salle des ventes pour connaître la provenance du secrétaire. Il m’a fallu bien sûr me rendre à nouveau sur place. Une dame fort courtoise, qui a quitté depuis notre belle ville, s’est montrée bien disposée vis-à-vis de ma requête. Dans ses registres, il était mentionné les établissements Bourretz. J’en connaissais la vitrine pour la lorgner régulièrement et il s’avérait que mon secrétaire n’avait aucune raison valable d’y figurer un jour. Je leur ai donc fait une petite visite On m’a expliqué qu’ils étaient très souvent sollicités pour débarrasser de vieux greniers dans des maisons appelées à être mises rapidement en vente. Ils y trouvaient parfois de vrais petits bijoux, le reste partait en tout-venant près de la Gare d’eau, ce qui avait été le cas de mon acquisition. La voix de Jacques parut s’érailler puis il reprit le cours de son histoire. Les comptables ont un mérite : c’est qu’ils imposent qu’on laisse de toute chose une trace dès lors qu’un premier centime se trouve à être déboursé ou encaissé. Mon secrétaire provenait d’une maison sise à Verquigneul, appartenant à la famille Duchemint. Duchemint, cela me fit songer à la venelle située à l’angle de la rue que j’habitais enfant à Essars. Allée Duchemint… Elle longeait le canal d’Aire et a été depuis rebaptisée. Bref, j’ai obtenu qu’on me donnât l’adresse en bafouillant une vague raison liée à des documents personnels que je voulais restituer. Les commerçants sont d’un naturel très méfiant. L’habitude de savoir leurs livres contrôlables à tout bout de champ. J’ai fini néanmoins en insistant par avoir un nom de rue et un numéro. Je me déplaçais à l’époque exclusivement avec une vieille Honda 175 cm3 de couleur rouge, assez bruyante pour m’entendre venir de loin. Quand j’ai enlevé mon casque, un couple déjà sur son pas de porte m’épiait d’un œil mauvais. M. et Mme Fourtain, si je me souviens bien. Enfin, je vérifierai sur mon rapport si Sidonie daigne me l’apporter…

 Le premier extrait est à lire >>>> ICI

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