lundi 13 septembre 2010

Fou contre tour ? Second extrait !

Bonjour à toutes et tous,

J-2 avant la sortie d'officielle d’Éclipse d’une nuit d’hiver !
Pour vous faire patienter jusque ce mercredi 15 septembre, comme promis, voici le second extrait de Fou contre tour !

Extrait 2



 – Y a le patron qui râle ! Brichot interrompit la rêverie de Drassir qui avait suspendu pour quelque temps l’usage de ses mains au-dessus de son clavier, l’esprit évadé la durée d’un rapport de police mécanique, sa façon à lui de chasser la réalité ; Lucie Colocase, il n’y pouvait plus rien et il n’avait de cesse que d’effacer l’image de son corps martyrisé. À quoi bon retenir ce type de cliché ? Entre temps, Brichot avait fini par communiquer une sensation d’inquiétude dans tout le bureau en instillant l’idée que le meurtrier n’avait peut-être qu’un seul but : s’en prendre à Drassir voire à Jasmina. Mais alors pourquoi s’être acharné sur cette voyante, pourquoi cette mise en scène macabre ?
– Il veut peut-être déjà une piste. Rokovski libérait un nuage de mauvaise humeur qui devait vagabonder à cet instant dans le ciel de son esprit à l’endroit de son patron ou de ce que les psys appellent classiquement le surmoi. Les premiers interrogatoires rapides de voisinage n’avaient rien donné, le fétichisme sur la victime n’avait suscité qu’un émoi de compassion, après tout ce qu’on voit sur les écrans. Une femme sans histoire, à peine connue, qui recevait sa clientèle régulièrement à un point tel qu’on n’y prêtait plus trop attention. Rien remarqué hier. Non, rien entendu. Pas d’éclats de voix. Des allées et venues comme d’habitude. Installée là depuis trois ans selon le vieux voisin d’en face. Le légiste estimait l’heure de la mort avant confirmation par l’autopsie entre 20h00 et 22h00, l’heure où le bon peuple est devant la télé, les rideaux de la fenêtre toutes voiles baissées. Celle indiquée par l’email était précisément 21h06. L’horloge interne de la machine corroborait les hypothèses du spécialiste. Question empreintes, il était fort à parier que ce serait le flou artistique, enfin tout ça était parti à l’identification. On avait affaire à un fou malin qui n’était pas franchement en état de crise au moment des faits. Assez calme pour accomplir sa mise en scène et prendre des clichés, en tout cas, les expédier à un flic depuis le lieu du crime ! Rien n’affleurait. Pas le début d’un pet de commencement de piste…

Rokovski avait rassemblé ses forces comme sous une coulée d’adrénaline qui mobilise toutes les facultés contre un hypothétique danger.
– La case f7, lança tranquillement Drassir. Ses deux collègues n’en croyaient pas leurs deux oreilles.
– V’là maintenant que le lieutenant délire.
– Il se prend pour Colombo, claqua Brichot sûr de déclencher une risette chez son complice Rokovski, soudain inquiet de l’état de santé mentale de son chef.
– Il y a toujours une case f7. Il faudra simplement lui donner une adresse réelle…, continuait l’autre sans se soucier des billevesées autour de lui.

En attendant, le patron mettait déjà la pression, leur demandait des comptes. L’un d’entre eux était lié à l’affaire par le net, par le chargement de sa boîte mél. Lui en voulait-on personnellement en tant que fils de Brahim Drassir ou en tant que flic lié à l’institution qu’il représentait, à la société qu’il protégeait ?
Steg attendait mordicus une première analyse de la situation.
– Les RG en savent plus qu’ils n’ont voulu nous dire quand on leur a demandé des précisions sur Lucie Colocase. Drassir en était convaincu. Tout à l’heure, il n’aurait pas voulu se pointer chez une inconnue sans s’être rencardé auparavant. Fichée également à la mondaine, plus de famille, un passé chez les Rouges, deux métiers pas banals qui amènent à connaître quelques pontes, ça donnait déjà un peu de contenu. Il fallait toujours savoir où on mettait les pieds. Il rappellerait le capitaine Tarière, c’était un ami. Ils avaient fait ensemble l’école de Police.
– Pas de vagues, lieutenant. Je ne veux pas de politique dans cette affaire, martelait Steg. La cible du mél, c’est vous, ne l’oubliez pas. Attendons les rapports du légiste et les relevés d’empreintes. Le gars a peut-être laissé des traces et avec un peu de chance, il est fiché. Un schizo déjà passé par nos mains. N’allez pas me fouiller la merde pour le plaisir, lieutenant ! Et au fait, bon anniversaire, lieutenant !
– C’était hier, patron.

Un schizo ? Facile. Steg s’accrochait au principe des 20/80. Quelques grandes causes évidentes qu’on recherche en premier lieu et qui expliquent l’essentiel des faits. Drassir haïssait cette loi des grands nombres. Il avait toujours préféré la petite bête, la partie acharnée, l’effet papillon bien qu’il ait su très tôt qu’on ne ficherait jamais en taule une piéride du navet ou une aurore de Provence. Les papillons, sa deuxième passion après le jeu d’échecs. Des ailes plus magnifiques que des diamants. C’était ça qu’il avait vu dans les yeux de Jasmina, ce premier soir de novembre, deux ailes de papillons, de celles qui ne se trouvent pas à Anvers. La vivacité, l’éclat que seul le regard capte car la main n’en sait que saisir la poussière ! Drassir n’avait pourtant pas lu les mémoires de Réaumur qui en naturaliste précis s’était appliqué à dessiner toutes les variations de formes qu’il avait pu rencontrer. Être un grand savant, un scientifique de renom le faisait pourtant rêver plutôt que de se gâter dans un commissariat pourave, à croupir avec des buveurs de pastis ou des siffleurs de vodka, toujours prompts à la moquerie mesquine. Il tenait l’affaire de sa vie ; c’était à lui qu’on la confierait. Il la résoudrait et son nom apparaîtrait dans les journaux. Le père fier de son fils et Jasmina détournée quelque temps de sa dépression de mère niée par la nature.
C’est compris, lieutenant, renchérissait Steg. Laissez tomber les politiques et cherchez du côté des entonnoirs ! Pas de vague, vous avez l’enquête mais je veux un rapport tous les soirs. OK, lieutenant ?
Steg ! ce bon Steg : il jouait soudain au grand ! Drassir en avait déjà les bras coupés… Le patron chercherait à le manipuler avec des ficelles si grosses qu’il en ressentait déjà la pression dans la gorge. Au fond, ce serait toujours lui qui récolterait les honneurs dans les salons de la préfecture. Un galon de plus et une pichenette appréciable sur l’échelon de ses émoluments. D’autant plus appréciable que la pension se calculait sur les six derniers mois.
– Autre chose, lieutenant ?
Steg insistait.
– Rien, répondit Drassir. Mais je propose de fouiner aussi un peu du côté du boulevard du shit.
– Un crime crapuleux ? Perdez pas de temps Drassir. Je veux la liste de tous ceux qui sont passés par la psychiatrie dans un rayon de trente kilomètres et qui ont un rapport même lointain avec Hem, avec la voyance et toutes ces foutaises. Laissez la scientifique nous apporter des indices.
à demain pour le troisième extrait...

Riffle Noir

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